Des ailes au centre
La note de la TOB en quelques mots situe ces trois chapitres 10-11-12. Une structure concentrique : aux ailes, des batailles militaires ; au centre l’intervention du prophète Nathan qui dévoile le cœur de David, (le fameux « cet homme, c’est toi ! » de 2 Sam 12.7) ; et pour encadrer ce centre névralgique, deux récits qui racontent l’avant et l’après complot contre Urie.
A. Guerre d’Israël contre Ammon (2 Sam 10)
B. David convoite Bethsabée (2 Sam 11)
C. Le piège du prophète Nathan (2 Sam 12.1-15a)
B’ David paie le prix de sa convoitise (2 Sam 12.15b-25)
A’ Guerre contre Ammon (2 Sam 12.26-31)
La violence de A à Z
Cela commence par une banale histoire de condoléances mal interprétées (il faut dire qu’il y a de vieilles casseroles trans-générationnelles entre Israël et Ammon – voir Nahash et Saül 1 Sam 11). Au lieu de s’en tenir aux paroles d’Israël, les Ammonites préfèrent identifier des intentions cachées. Dangereuses herméneutiques des silences où le mal finit toujours pas s’imposer. Que celui qui n’a jamais péché…
Un peu plus haut, en 2 Sam 3.24-25, se trouve une scène similaire. Mais cette fois, dans le camp d’Israël : Joab, l’homme de main de David, cédant à une crise de parano, subodore des intentions cachées chez Avner en visite et le tue. Ici, chez Hanoun l’Ammonite, on se plaît à humilier. La scène vaut le détour : on renvoie les notables d’Israël mi-culs nus, mi-barbe rasée ! En orient, perdre la face (!), c’est pire que perdre la vie. On ne dort plus et on médite…
La suite est une banale histoire d’embrasement de la violence. Les armées se lèvent, se combattent ; 40 000 chevaliers araméens sont tués (10.18). Une paix est signée, contraignante, humiliante (v.19). Les alliés d’hier, Araméens et Ammonites, se fuient désormais. Pour finir le travail, Joab ira frapper Ammon et prendre sa ville royale. S’agit-il de représailles en réponse à l’humiliation du cul-nu ? Ou d’un intérêt plus stratégique ? Le détail de 12.27 me fait pencher pour la seconde hypothèse : avec l’honneur, on s’arrange toujours ; pas avec l’eau ! Sa rareté explique à elle seule la quasi-totalité des conflits dans la région.
David s’offrant Bethsabée, puis la détournant de son lien conjugal manu militari, tout cela n’est que violence conjuguée à tous les temps, déclinée sur tous les modes. Humiliation, vengeance, arrogance, oppression, guerre, domination, convoitise, adultère, meurtre, mensonge… Un cycle complet, infernal, ricochant à l’infini, perpétuant son mouvement par sa propre dynamique.
Nathan : la force d’interposition…
Ce que la Bible a de particulier, d’unique ? Elle dit que la violence n’est pas inéluctable, que son cours peut être interrompu. Que la vérité a plus d’efficacité pour défaire la violence que le complot, le mensonge n’en n’ont pour la concevoir et la promouvoir. Mais est-ce là une particularité ? Pas encore…
La parole qui vient rompre le cycle de la violence, ne tombe pas du ciel. Elle vient à pied, s’approche, pénètre au cœur des situations ; elle est l’un d’entre nous. Une parole donnée (nathan : littéralement en hébreu « il a donné ») qui s'interpose. Cela est unique. Toutes les réponses de toutes les religions du monde tombent lourdement du ciel ! Rétribution, jugement, pleurs et grincements de dents.
Le récit biblique, qui ressemble en bien des points à tous les autres récits de l’humanité, n’est en fait que prétexte pour faire émerger l’événement d’une parole unique, donnée, incarnée, pleine de la force d’une humanité nouvelle selon Dieu, non violente, exigeante, responsable, fraternelle et habitée par la lumière divine.