Dans la main de Dieu… (9.1)
On aimerait qu’il s’agisse de la douce main paternelle, à la fois rassurante et structurante. Dommage pour la corde piétiste toujours prête à vibrer, mais il est seulement dit ici qu’aucun être, aussi noble soit-il, roi des animaux ou roi des hommes (9.4), n’a son destin en main. Selon l’Ecclésiaste, nous n’avons aucune liberté véritable. Nous ne pilotons pas l’embarcation dans laquelle nous nous trouvons. Les moments de sa mise à flot, puis de son engloutissement ne nous appartiennent pas. Même le droit à mourir, fortement revendiqué aujourd’hui, demeure une illusion de maîtrise. Pour la vie et pour la mort, les clés de notre destin sont dans d’autres mains, celles de Dieu.
Nous sommes faits ! (9.3)
Nous n’avons de prérogatives que pour les choses secondes, pour l’entre-deux-rives, les choix inessentiels, éphémères. Alors, on aura beau réfléchir, expliquer, pester contre notre condition ou au contraire lui rendre un culte, on aura beau encore s’anesthésier l’existence à grandes doses de religion, de philosophie ou de psychanalyse, rien n’y fera : il n’y a pas de rémunération divine pour les très bons ou les très intelligents ; aller au culte ne protège pas contre les accidents de la route : « Nous sommes faits ! »
J’ai peut-être eu la main un peu lourde avec ma vieille paroissienne… Mais sur le fond, je ne regrette pas de lui avoir parlé « cash » comme l’aurait fait l’Ecclésiaste. Certaines de ses paroles ne nous préparent pas seulement à mourir, mais également à vivre ; à vivre libérés des fausses espérances et des peurs inutiles. Et ce n’est pas le moindre des services qu’on pouvait nous rendre !
Dire « oui » à la vie !
En passant à la masse les temples de la sagesse et du sacré, l’Ecclésiaste fait place nette, créant un espace, un vide, un manque pour autre chose. Depuis son « vanitas de vanitas », on sait que tout se joue aujourd’hui, dans cet entre-deux-rives qu’est la vie.
La première responsabilité de l’homme sur cette terre, n’est- elle de dire « Oui ! » à la vie. Un « oui » intense, immense, joyeux qui célèbre, par l’ouverture de tous nos sens (sexualité compris !), le don de la vie. La joie n’est pas que carpédiemiste, elle est aussi acceptation paisible de nos limites et de notre condition mortelle. Dieu est présent à la table des hommes : telle est la vraie religion !
L’Ecclésiaste, comme Jean-Baptiste, prépare le chemin du Seigneur : Jésus mangera et boira avec les païens, partagera joyeusement leur éphémère. Planté au milieu de notre entre-deux-rives, il vient nous révéler l’urgence de vivre !