Un repas pour dire « oui » au salut
Un repas, c’est à la fois la chose la plus commune et la plus exceptionnelle qui soit. On mange comme on respire, mais dès qu’il se produit quelque chose d’important sur cette terre, on dresse une table. Quelles que soient les croyances, les appartenances culturelles ou sociales, on ne scelle rien ici-bas sans manger. Moïse et le peuple d’Israël ont résisté à Pharaon. Neuf catastrophes ont frappé l’Egypte en réponse au durcissement politique de son chef. Une dixième plaie va s’abattre, une dernière pour la route... L’heure approche. Ce qui arrive n’arrivera qu’une fois. Le récit fait monter une tension liée à l’imminence du départ. L’unique prescription pour se préparer à cet événement majeur, c’est de s’assoir et manger. Tel le sabbat fait pour l’homme (Marc 2.27), la Pâque est pour l’homme et non l’homme pour la Pâque. Les vieilles logiques sacrificielles sont renversées. Dieu ne demande pas de sacrifice, il invite l’homme à se rendre présent à ce qui est en train de se passer. Si le sacrifice maintient la distance entre la terre et le ciel (tout en prétendant la réduire), le repas rapproche et fédère les hommes autour d’une présence, il porte une espérance : l’accès à la liberté ! Le premier jour du reste de notre vie (12.1)
Un repas pour dire « oui » à son prochain
La Pâque d’Exode 12, c’est aussi l’occasion d’un vaste partage fraternel. L’hospitalité n’est pas naturelle au cœur de l’homme. Même au sein de l’Eglise, l’hospitalité chrétienne aura tendance à se décliner sur le mode de l’affinité ou du lien familial. Ici c’est une autre nécessité qui rapproche.
L’agneau sacrifié pour le jour de la Pâque est un agneau partagé avec les familles pauvres afin que chacun ait suffisamment (12 :4). En accompagnement, il y a du pain sans levain et des herbes amères ; un menu simple, mais gourmand, équilibré et complet. Le pain sans levain exprime la condition d’esclave comme l’urgence de partir (pas le temps de laisser lever la pâte) ; la salade (frisée ?) évoque l’amertume de la condition humaine ; l’agneau rôti, l’abondance et la fête communautaire à l’annonce de la venue du Seigneur ; l’agneau rôti, c’est la force que nous prenons ensemble avant de nous jeter dans l’aventure croyante.
Un dernier repas et puis s’en vont… (Marc 14.12-41)
Quand Jésus réunit ses disciples pour leur communiquer l’essentiel de son Evangile, il les invite à manger. Ils prennent ensemble de la hauteur (chambre haute) pour un intense moment de communion et d’humanité. On s’assoit les uns à côté des autres pour parler de la vie et de la mort. Dans sa présence, il devient possible d’évoquer des injustices subies, nos espoirs déçus, nos pauvretés, nos peurs, nos esclavages... Puis, nous nous éveillons les uns avec les autres à l’appel d’un nouveau départ, urgent, fondateur.
Je reconnais que l’urgence n’est pas la plus simple des dimensions de foi que nous ayons à retrouver. Nous sommes des installés pas des partants. Qu’importe ! Le Christ, par cette Pâque nouvelle, nous appelle à (re)conquérir, ceinture aux reins, sandales aux pieds et bâton à la main, d’immenses espaces de liberté intérieure, communautaire et sociale. Il y a urgence de vivre !