De sommets en sommets…
L’événement de la transfiguration est assez difficile à appréhender, d’autant qu’il suit immédiatement le grand chapitre huit, situé à mi-parcours de l’évangile, où Jésus avait dévoilé l’essentiel de sa mission.
Un premier sommet avait été franchi avec la confession de Pierre (« Tu es le Christ » 8.29), confession en trois mots, inscrite pile au centre de l’évangile comme ligne de partage des eaux. Un second sommet avait été atteint dans le dévoilement du parcours messianique : le Fils de l’homme va devoir mourir (8.31). Enfin, un dernier point culminant, et pas des moindres, avait été franchi dans cette invitation à suivre : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, prenne sa croix et me suive » (8.34) Tout n’avait-il pas été dit en ce huitième chapitre, quelle nécessité y avait-il à entrer dans l’indicible, l’inouï, l’incompréhensible ?
Une redescente difficile
Pierre, Jacques et Jean sont encore sonnés par la puissance de l’événement. Ils n’ont rien compris mais ressentent le traumatisme de cette confrontation au divin. La redescente sera pour Jésus l’occasion d’un enseignement : « Ne dites rien jusqu’à ce que le Fils de l’homme ressuscite d’entre-les morts » (9.9)
Jésus emploie un langage similaire à l’annonce de sa passion : c’est le Fils de l’homme qui va mourir, c’est encore le Fils de l’homme qui va ressusciter ? L’événement de Pâques s’inscrit dans la continuité du Vendredi saint ; il n’en sera pas la revanche, le « happy end » mais son lumineux approfondissement.
Une victoire sans revanche
L’événement de la transfiguration prépare les disciples à celui de la résurrection. Ils ne doivent pas se tromper d’événement ! La résurrection ne renvoie pas leur Seigneur à la sphère d’une toute-puissance, d’une case départ qu’il aurait quitté l’espace d’une mission sur terre. La résurrection c’est le foulon de la croix (9.3)! L’Eglise doit naître à cette éclatante et vivifiante vérité que Dieu en Jésus a définitivement renoncé à la toute-puissance. Il sauve le monde au moyen d’une folie, d’une faiblesse, d’une ineptie, écrira Paul, celle de la croix. La résurrection ne fait donc pas oublier la défaite de la croix, elle en publie l’inacceptable message. Pour entrer dans la joie de la Transfiguration, il faudra donc à notre tour changer de figure, de peau ou d’être. « Qui veut sauver sa vie la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Evangile, la sauvera » (8.35).
Se taire pour mieux écouter
Alors que Pierre cherche à fixer l’événement, à traduire l’indicible en dressant des tentes, et peut-être demain des temples, Jésus nous invite à nous taire un instant (9.9) pour faire nôtre le témoignage de Dieu sur la montagne : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé écoutez-le ! » (9.7).
Nous devons faire silence, préalable indispensable à la reconstruction de notre système de valeur ; c’est une tâche immense, le chantier d’une vie. Croire en la Résurrection comme victoire DU Vendredi Saint sur les forces de mort, c’est entrer dans la vie de Dieu. La réalisation de soi s’accomplira dans le partage non dans la possession, dans la réussite sociale pour servir et non pour se servir, dans l’aptitude joyeuse et paisible à la vie simple et non dans la boulimie consumériste qui caractérise notre temps.
Que la lumière de ton Fils bien-aimé, victorieux de la mort, vienne Seigneur transfigurer nos vies fatiguées et bientôt notre pauvre planète.