Un vrai conte de fée…
Un beau mariage bien dans les clous ! Un lévite épouse une lévite (v.1). Pas d’attelage disparate, comme dirait la Bible (2 Co 6). Ils s’aimèrent et eurent un bel enfant (v.2).
Ce beau début évoque toute l’espérance qui s’attache à la naissance de ce pur produit d’Israël, Moïse, alors que le chapitre précédent vient de raconter le premier semi-génocide Israélite de l’histoire (1.22). Moïse apparaît donc aux yeux du lecteur comme le libérateur attendu. Mais on ne naît pas libérateur, on le devient. Il faudra que Moïse apprenne la vie. La vie des autres comme la sienne…
Un monde à la dérive
L’Egypte du 12e siècle avant JC est une image incroyablement ressemblante de notre monde actuel. On y trouve déjà des gens à la dérive sur des embarcations de fortune, espérant trouver ailleurs un monde meilleur (2.3-4). Les bateaux de Lampedusa sont pleins de ces enfants qui ne connaissent pas la fortune de bébé-Moïse.
La vie des gens, c’est d’abord celle du pays d’accueil. L’Egypte, terre d’asile pour les Hébreux, un pays qui se sent soudain menacé par la présence de l’étranger, du migrant. J’imagine que quelques théoriciens de la migration et autres intellectuels xénophobes véreux, n’auront pas manqué de mettre en garde Pharaon contre le danger du « grand remplacement démographique » : « Méfiez-vous, ils font beaucoup d’enfants et demain à ce rythme-là, ils prendront nos places ! ».
La vie des gens, c’est aussi celle du peuple hébreu. Comme tous les immigrés et maltraités de l’histoire, l’instinct de survie les pousse à se reproduire de manière intensive (1.7). On fait des enfants quand on n’a rien à soi, quand on n’a pas d’avenir et que son espérance de vie est aussi courte qu’un jour de décembre. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les frères hébreux s’entre-déchirent (v.13). Le mythe du pauvre au grand cœur, partageant son quignon de pain avec son frère de sang ou d’infortune s’effondre une fois de plus. La misère n’engendre pas la solidarité ; ses enfants s’appellent Colère et Violence.
Au lieu d’agir en libérateur, Moïse se comporte en Robin du désert. Il venge sauvagement l’offensé pensant peut-être soulever la révolte de ce peuple dont il se prétend le frère (v.11) et le juge (v.14). Mais la libération et la fraternité empruntent d’autres chemins…
Après avoir été tiré des eaux du Nil (v.10), voilà que Moïse se retire au désert de Madiân. La Bible n’aime pas les contes de fées, elle préfère les histoires vraies. Moïse doit maintenant faire l’apprentissage de la vie ; il doit découvrir l’amour, s’astreindre au travail et s’ouvrir à la rencontre. C’est le temps de la préparation.
Dieu sait… (2.25)
Le dernier mot de ce chapitre 2 me trouble beaucoup. Après avoir évoqué des réalités bien cruelles, l’auteur conclut : « Dieu regarda les Israélites et il sut... ». Dieu sait ! Mais que sait-il au juste ? Ce n’est pas précisé. Dieu entend et connaît la souffrance, il s’en souvient est-il dit (v.24). Mais que cachent ces formules anthropomorphiques ? Dieu n’est ni malentendant, ni oublieux ! Alors ?
Dieu sait… Par ces deux mots, il est affirmé que ce monde n’est pas autant à la dérive qu’il n’y paraît. Il y a du sens. Quelqu’un sait. Il ne s’agit pas encore du Dieu personnel que Moïse découvrira à Horeb au chapitre suivant. « Je SUIS » (3.14), c’est le Dieu qui parle. Elohim (2.25), c’est le Dieu qui SAIT : la Réalité créatrice, intelligente qui oriente l’histoire et la conduit à son terme.
Qu’il y ait beaucoup d’agnostiques autour de moi, cela me navre, mais qu’il y ait dans cette nuit impénétrable Quelqu’un qui sache, cela me remplit de paix et d’espérance. Nous ne sommes pas seuls au cœur des réalités les plus indéchiffrables, Dieu SAIT. Et ça me fait un bien fou de le savoir !