Rira bien qui rira le dernier…
Le récit provoque le rire et les Philistins en font les frais ! S’attachant les services de l’arche de l’alliance, ces pauvres païens s’imaginent posséder force et protection ; les voilà au supplice. Après sept mois de galère, monte enfin de leur camp une prière d’une rare lucidité : « Que Dieu rentre chez lui, nous n’en voulons plus, nous voulons vivre ! » (5.11).
La suite du récit montrera que l’arche ne va pas rentrer directement à Silo, son lieu d’origine, mais suivre un chemin pour le moins chaotique. Les Philistins ont peur. Ils organisent le rapatriement de l’objet, se perdant en mille précautions inutiles.
Bref, l’arche tirée par deux vaches (!) s’échoue à Beth-Shémesh. En « terre sainte », on pourrait s’attendre à un happy end : le peuple élu enfin rassemblé autour de son Dieu. C’est le contraire qui se produit. A Even-Ezer, on avait instrumentalisé l’arche de l’alliance comme un vulgaire engin de guerre (4.3) ; à Beth-Shémesh, on la traite avec légèreté (6.19). Israël ne vaut pas mieux que les Philistins. Et Dieu frappe Beth-Shémesh comme il a frappé Ashdod, Gath, Eqron. Et le théâtre Guignol continue : voilà que les habitants de Beth-Shémesh, à l’instar de leurs prédécesseurs Philistins, cherchent à se débarrasser du cadeau empoisonné ; on envoie l’arche du côté de Qiryath-Yearim où elle plongera dans l’oubli (7.2).
Israélites, Philistins, personne ne semble connaître Dieu dans ce récit. Cette histoire raconte le grand malentendu entre Dieu et les hommes. « Qui pourra tenir en présence du Seigneur ? » (6.20)
Dieu n’est pas un « plus » !
Bien sûr, nous, nous savons ! Nous n’avons plus d’Arche mais nous avons l’Evangile, le Saint-Esprit et 2000 ans de théologie ! Est-il pourtant si sûr que notre vision de Dieu soit aussi instruite, aussi épurée qu’elle le prétend ?
A chaque fois que je considère Dieu comme un « plus » dans ma vie, comme un appui à mes projets, comme une puissance de réussite, une garantie de bonne santé, un talisman protecteur – le tout maquillé de patine évangélique – je professe mon paganisme, je confesse mon idolâtrie et j’atteste de mon infinie solitude. Dieu n’est pas un « plus ». Il est TOUT, ou il disparaît de ma vie.
Dieu n’est pas pour nous, il est avec nous !
Quand on s’est égaré si loin, quand les désillusions s’ajoutent aux malentendus, le chemin du retour à Dieu peut sembler inconcevable. Il faut du temps pour que les idées fausses perdent de leur vivacité en nous, que les déceptions se décantent. Il faut du temps mais il faut surtout une mort à soi-même. L’arche restera vingt années au silence… (7.2). Jusqu’au jour où Samuel réveillera en son peuple le désir de Dieu : « Dirigez votre cœur vers le Seigneur, ne servez que lui seul ! » (7.3).
Nous sommes ainsi appelés à faire le deuil continuel du « dieu pour nous » et naître chaque matin à la présence de « Dieu avec nous ». Travail iconoclaste indispensable auquel Dieu nous appelle en Jésus-Christ.