Dans la Bible en français courant ce passage s’intitule : “les conditions nécessaires pour être disciple”. Il fait partie de ces textes qui nous met mal à l'aise et que l'on appelle aussi “les paroles dures de l'Évangile”. Reconnaissons d'abord que Jésus ne facilite pas les choses à ceux qui font route avec lui. Être disciple, vivre à sa suite n'a rien d'un séjour de vacances ce n'est pas non plus le grand bonheur de passer un séjour de rêve auprès de l'homme idéal : le meilleur des messies ou sauveurs. Être disciple c'est plutôt une décision qui doit être réfléchie et pesée en toute lucidité parce qu'elle engage toute la personne. C'est pourquoi Jésus cite en exemple celui qui veut construire une tour ou une maison; ceux qui sont passés par cette expérience savent ce qu’il en coûte, en démarches, en calcul, en réflexion, en investissement, en persévérance pour être sûr d'y arriver. Et malheur à ceux qui ont mal calculé leur coup et doivent renoncer à leur projet en raison de la conjoncture économique, du chômage, de la maladie, du manque de moyens. Ainsi, venir à Jésus est une décision qui engage toute la personne, qui sait ce qu'elle veut, qui connaît le prix des choses et qui on tient compte. Jusque-là cela nous semble plutôt normal ! Mais on n’a pas tout vu !
“Celui qui vient à moi doit me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et soeurs et même à sa propre personne”. Dur dur ! Tellement dur que Mathieu ne parle pas de la femme ! En d'autres mots, celui ou celle qui a décidé de faire confiance à Jésus et de lier sa vie à lui a désormais UNE PRIORITÉ. Et devant cette priorité, même les liens les plus étroits, ceux de la famille passe au second rang. N'est-il pas sans cœur ce Jésus qui nous parle ainsi ? Ces paroles ressemblent à un mot d'ordre fanatique et aveugle que l'on s'attend à entendre dans une secte. Mais Jésus n’est ni aveugle, ni fanatique ! Quant à nous, soyons honnêtes : combien de fois les plus proches deviennent-ils un prétexte ou une excuse à ne pas vivre notre engagement. Combien de fois sont-ils un frein, parce que pour eux cela ne compte pas et parce que la famille doit toujours passer en premier. Combien sommes-nous à dire : quand je serai à la retraite, quand j'aurai plus de temps, alors je veux bien. En tout cas Jésus rappelle ici qu'il y a des liens plus importants encore que la famille et qu'il y a des situations où il faut choisir. Même si c'est douloureux. Même si ça nous met en tension. Arrivés au point où nous en sommes, il nous faut encore être bien accrochés pour écouter la suite… car Jésus continue en disant : “celui qui ne porte pas sa croix et ne me suit pas ne peut pas être mon disciple”. “Porter sa croix”. Que n'a-t-on pas fait dire à cette expression devenue proverbiale. Il faut se résigner, il faut souffrir, il faut courber l'échine... Jésus ne nous demande pas d'être masochiste, de chercher la souffrance pour la souffrance. Il ne s'agit pas non plus de porter n'importe quel croix, que nous nous sommes fabriquée et avons choisie. “Porter sa croix”, c'est accepter le poids des responsabilités qui nous ont été confiées, c'est porter avec d'autres qui souffrent et luttent la charge qui leur pèse. C'est donc l'opposé du “chacun pour soi” et “après moi le déluge”. Dans le droit fil de l'Évangile, “porter sa croix”, c'est vivre et espérer malgré la maladie, c'est veiller et prier quand tout va de travers, c'est accompagner l'enfant ou l'adolescent qui passe par une période critique, c'est être là avec ceux qui sont seuls et déprimés, c'est persévérer en dépit d'une situation apparemment désespérée, c'est avoir des oreilles qui entendent, une bouche qui parle et des mains tendues pour ceux qui en ont besoin. c'est ne jamais délaisser, comme disait Paul Tillich “le courage d'être”. Vaste programme, qui dépasse nos intérêts et nos préoccupations personnels ou familiaux et qui nous ouvre à la dimension de l'amour de Dieu et du prochain. C'est pourquoi il vaut la peine d'y réfléchir avant de s'engager, sachant que cela ne va pas sans difficultés, ni efforts. Mais ce sera alors le chemin exigeant d'une vie remplie, réussie selon le projet de Dieu… ajustée à son rêve qu’il a pour nous. Et lorsqu'un jour nous nous sentons trop faible, lorsque nous avons l'impression de ne pas y arriver, le Christ nous dit alors : “je porte avec toi la croix qui pèse sur tes épaules…je suis ton compagnon de route et je te relèverai si tu tombes… je resterai ton ami, quoiqu’il arrive et je ne t’abandonnerai jamais… oui, je serai avec toi, tous les jours jusqu’au dernier.”