L’apôtre Paul est un personnage déroutant. Il a rencontré le Christ sur le chemin de Damas, dans un événement mystique, une vision bouleversante. Cette expérience a forgé son orientation personnelle et théologique. Il n’est pas de ceux qui ont marché avec Jésus sur les chemins de Galilée comme Pierre, Jacques et Jean. Pour lui, croire c’est être EN Christ plus qu’avec Christ. Etre uni à Christ pour Paul, c'est approfondir EN soi l’espace de la grâce et de la résurrection rendues accessibles par la foi seule. Le génie de Paul, c’est d’avoir su donner à cet événement personnel de rencontre une résonance universelle. Le passage du jour, en est un magnifique exemple.
L'annonce première
Paul est devenu théologien par nécessité. Il est premièrement et fondamentalement un évangéliste. Il est appelé par le Christ à annoncer l’Evangile à des publics qui ne connaissent rien à la Bible, immergés qu'ils sont dans la culture gréco-romaine polythéiste du bassin méditerranéen du 1er siècle de notre ère. Pour les rejoindre, Paul doit leur annoncer comment cette grâce, cette résurrection viennent jusqu’à eux en Jésus. Paul est théologien parce qu’il est d’abord évangéliste. Il ne fait pas de la théologie par goût personnel, comme on ferait de l’histoire ou de la philosophie, mais par nécessité. Pour annoncer, il faut d’abord comprendre. Et pour comprendre, il faut penser la foi, faire de la théologie.
Son seul souci est de rejoindre les hommes et les femmes de son temps pour les amener à Christ, les amener EN Christ !
Paul, lecteur du journal l'Equipe ?
Pour Paul la rencontre passe par l'immersion culturelle. Dans ce passage, il apparaît que l'apôtre ne maîtrise pas seulement le langage de la haute théologie et celui de la mystique, il parle aussi le langage de Monsieur et Madame tout le monde.
Il évoque sa rencontre et son union personnelle avec le ressuscité dans un langage simple. Paul est un homme de son temps. Et Paul aime le sport !
La foi, la vie en Christ sont comparables à une course, un marathon. Ailleurs, dans sa lettre à Timothée, il utilisera le langage du combat, de la lutte gréco-romaine.
À croire que Paul aimait bien aller au stade. Son langage prouve qu’il s’y connaît bien (était-il secrètement abonné à l'Equipe ?). Cela me rend l’apôtre tellement proche…
Un esprit sain dans un corps sain
S'il choisit le langage du sport pour parler de la foi en Jésus, c'est parce que le sport a des règles et que chaque concurrent a sa chance.
Un combat de boxe par exemple peut paraître violent, mais les coups bas y sont interdits, les règles claires et les deux boxeurs sur un pied d’égalité.
Certains jours l’Église peut ressembler à un ring de boxe ! Mais ce n’est pas si grave ; chacun y est libre de combattre pour ses idées, à condition que tout cela reste respectueux et loyal, qu’il n’y ait pas de paroles par derrière ou de manœuvres hypocrites.
La vie chrétienne et la vie d’Église ne sont pas un long fleuve tranquille où il suffirait de se laisser porter par le doux courant de la foi et de la majorité bien croyante, sans vague jusqu'à bon port. Non ! la foi est un combat. Elle est aussi une course épuisante et enivrante où le désir d’abandonner, de mettre le genou à terre guette chaque participant. C’est cette image de la course que Paul développe ici.
Une course sans fin
L’image du marathon est très inspirante. Si la vie chrétienne est comparée à une longue course, c’est parce qu’elle n’est jamais terminée. Le but est toujours devant, un peu plus loin, au bout de doutes profonds, de gros coups de fatigue, suivis de rebondissements inattendus, d'encouragements à poursuivre la course malgré tout. La foi est une aventure !
Paul dans cette épître se bat justement contre les chrétiens qui se croient arrivés, qui prétendent avoir tout compris mais qui ne prennent aucun risque.
Il nous met en garde : "Ne nous confions pas dans nos certitudes, (ou dans nos doutes systématiques !), dans nos visions des choses, nos traditions et nos doctrines de foi ou d’action. Finalement on ne devrait jamais dire : « Je suis sauvé ou j’ai la foi », mais « je suis dans la course de la vie avec Christ ». La foi, pour nous, c’est cette course, plus encore que la ligne d’arrivée.
La foi est un peu comme une savonnette mouillée qui nous file entre les mains quand on croit la saisir. Elle coule comme de l’eau entre les doigts.
Avez-vous déjà vu un coureur en train d’admirer sa propre foulée ! Le croyant ne peut pas se regarder croire ! Le croyant qui veut savoir s’il croit est comme un coureur qui s’arrête pour savoir s’il court ! C’est absurde ! Le meilleur moyen de perdre la foi, finalement, écrivait le pasteur Maillot, c’est d’essayer de la tenir, de la capturer. Paul nous recommande ici de courir après notre foi, de cheminer avec elle, là où elle décide de nous emmener ; pas de l’enfermer dans nos pratiques religieuses !
Tracer la route !
C’est pourquoi Paul a oublié tout ce qui était derrière lui ; ce qui n’a aucune valeur mais qui peut remplir nos journées si l'on n'y prend pas garde : les mesquineries, les crocs en jambes, les coups bas, les durcissements imbéciles. Si l’on regarde derrière, on court le risque de perdre la course.
Au contraire, « être tendu vers ce qui est devant », c’est faire le choix de l’espérance. C’est devenir léger, adaptable aux situations, aux accidents de parcours, c’est être éveillé, ressuscité ! C’est cela croire, se maintenir en permanente ouverture aux autres et à ce qui arrive de neuf, d’imprévu devant nous. C'est garder en nous un espace disponible pour l'appel de Dieu.
Il me reste à nous souhaiter une bonne course ! Et si vous hésitez à vous lancer, faites confiance en cette parole de Paul : « Connaître le Christ Jésus, mon Seigneur, voilà le plus important. » AMEN !