Le sermon du lendemain

Lundi 25 mars  2019

Luc 13. 1-5

1 À ce moment-là, des gens viennent raconter ceci à Jésus : « Pilate a fait tuer des Galiléens, au moment où ils offraient des sacrifices à Dieu. » 2 Jésus leur répond : « Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que ces Galiléens sont morts de cette façon, parce qu'ils ont commis plus de péchés que tous les autres Galiléens ? 3 Non, mais je vous préviens : changez votre vie, sinon vous allez tous mourir comme eux ! 4 Et ces 18 personnes que la tour de Siloé a écrasées en tombant, qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habitants de Jérusalem ? 5 Non, mais je vous préviens : changez votre vie, sinon vous allez tous mourir comme ces gens-là ! »

Cette rencontre entre Jésus et les passants a des allures de discussion du café du commerce ou de rond-point gilets jaunes ! On commente l’actualité. La répression violente par les forces de l’ordre, l’effondrement d’une tour. La sagesse populaire s’empare du fait divers qu’elle passe au crible de sa perspicacité légendaire. Elle veut des explications… Elle va être servie !

Assurance en béton !

Le monde n’a pas changé depuis l’accident de la tour de Siloé. Après la chute des deux immeubles rue d’Aubagne à Marseille, on cherche des responsables, des explications. Les assureurs n'aiment pas payer.

C’est la faute des maires de Marseille et de Jérusalem : ils auraient dû envoyer une commission de sécurité et déclarer le lieu impropre à la fréquentation du public. Le maire dira que ce n’est pas sa faute mais celle de l’architecte de la tour ; l’architecte va dénoncer l’incompétence du maçon ; le maçon de la tour de Siloé, en désespoir de cause, va désigner comme responsable le roi Ezéchias qui avait, sept siècles auparavant, fait creuser des canalisations sous Jérusalem rendant le sous-sol instable.

Il faut bien que quelqu’un paie ! Alors autant que ce soit la faute d’un ancêtre mort et enterré depuis 700 ans. Pour les assureurs, c’est du béton !

Le diable en rit encore !

Plus sérieusement, nous cherchons des causes, des responsabilités, du sens à tout ce qui arrive, parce que nous n’aimons pas le désordre, l’arbitraire, l’improbable.

Emporté par ce besoin d’explication, nous donnons du sens à ce qui n’en a pas. Dès qu’une catastrophe naturelle arrive, les géologues viennent nous expliquer le mouvement des plaques tectoniques, les écologistes nous démontrer que les inondations sont la conséquence d'une utilisation irresponsable des ressources de la planète !

D’autres, s’aidant de la religion, comme les amis de Job, affirmeront que ce qui arrive est une juste punition de Dieu en réponse aux grands péchés de l’homme.

C’est notre soif d’explication, notre désir de sens qui nous pousse quelquefois à affirmer les choses les plus étranges.

J’oubliais l’explication qui surpasse toutes les autres : c’est la faute du diable ! Dans mon ancienne paroisse il y avait un très gentil monsieur qui n’arrivait jamais à l’heure au culte, et d’après lui, c’était parce que le diable venait trafiquer son réveil pendant la nuit ! Le besoin de donner du sens à ce qui arrive, pour éviter la culpabilité, ou le silence, nous amène souvent à raconter n’importe quoi ! Le diable ne trafique pas les réveils.

"Question-réponse" : sortir du filet de l'oiseleur.

Pour répondre à la question du "Pourquoi le massacre de la secte Galiléenne ?", Jésus, à son habitude, choisit de sortir du piège : "question-réponse". Au lieu d’apporter sa réponse, il va poser sa question et interroger notre rapport à la réalité. De quel point de vue nous nous plaçons pour interpréter ce qui arrive ? Quelles lunettes chaussons-nous pour lire les événements de la vie quotidienne ? Les lunettes de la science, de la raison ? Celles de la psychanalyse ? De BFM TV ? Du complotisme ? Celles encore de la croyance ? De la voyance ? Par quel chemin passons-nous pour atteindre l’explication qui va nous convenir et finalement nous permettre d'avoir la paix ?

« Pensez-vous que ces Galiléens étaient de plus grands pécheurs que les autres ? »

Jésus sait très bien ce qu’on attend de lui : une réponse définitive qui dirait que si cette tour est tombée sur 18 personnes, c’est qu’il y en avait au moins un là-dessous qui avait quelque chose à se reprocher ! Et pour les innocents qui ont été emportés dans ce règlement de compte, on mettra ça sur le compte des dégâts collatéraux ! Tout cela n’a aucun sens...

La question de Jésus aux gens peut être reformulée en deux mots : "Arrêter de délirer ! Arrêtez de chercher les explications qui vous arrangent là où il n’y en a pas !" Si vous avez un accident de voiture, ce n’est pas un jugement de Dieu ; si vous attrapez le cancer, ce n’est pas une attaque du diable !

Alors, quelle est la leçon de la tour de Siloé? Quelle est la leçon des Galiléens assassinés ? Quelle leçon tirer de l’épidémie de rougeole qui frappe l’Afrique et Madagascar ?

Une autre voie : la conversion !

A cette question sans réponse, Jésus va répondre autrement. Sa parole va devenir dure, quasi brutale : "Il vous faut changer de vie, sinon il va vous arriver la même chose !"

Si nous lisons trop rapidement cette parole de Jésus, nous risquons de conclure que si nous ne nous convertissons pas immédiatement, si nous ne nous repentons pas sur le champ, il va nous tomber dessus un jugement du ciel, une tour, un accident de la route, une maladie, un tremblement de terre ! Et ce sera trop tard.

Change de vie !

Ce serait là une très mauvaise interprétation de la parole de Jésus. Ce que dit Jésus ici c’est que le vrai danger de la vie n’est pas là où on le croit. Ce qui est dangereux ce n’est pas de mourir, c’est de mourir seul, coupé de la communion avec Dieu, sans ouverture sur la vie abondante de Dieu. C’est la mort spirituelle qu’il faut redouter et celle-ci se joue ici et maintenant, à chaque fois que je croise le chemin du Christ :

« Soyez attentifs : que vous ayez une vie tranquille sans problème ou que vous soyez au contraire dévorés par l’angoisse, l’enjeu est immense et le message est simple : change de vie maintenant ! Ouvre-toi à l’appel de Dieu et tu vivras, quand bien même il t’arriverait de mourir !"

Jésus nous invite à ne pas toujours reporter au lendemain les événements de la rencontre avec Dieu, nos actes de repentance, nos expériences de conversion (littéralement, "le retournement de notre être").

Jésus ne s’intéresse pas aux causes des catastrophes, mais il prend appui sur elles pour attirer notre attention sur l’unique véritable enjeu de l’existence :

« Sois vigilant, non en construisant ta vie sur le dogme social du risque zéro, mais en passant par l’expérience de la mort à soi-même, de l’abandon de ta vie à Dieu, l’expérience du lâcher prise, du saut dans le vide. Dans cet espace d'abandon, il ne reste plus qu’à attendre que la main de Dieu te saisisse."

Choisir d’être chrétien, ce n’est pas choisir une religion, une Église, des amis croyants, des frères et des sœurs qui nous aiment bien ; ce n’est même pas choisir de faire le bien autour de nous. Devenir chrétien, c’est choisir la vie, c'est répondre à l’appel de Dieu qui désigne Jésus comme la source de la vie ; c’est dire : "oui" à cette vie-là ! Quand bien même la mort nous enlèverait le souffle, nous resterions vivants de cette vie abondante et inépuisable qui jaillit de la présence du Christ.

Voilà ce que nous dit cet échange brutal entre Jésus et les gens : Il y a urgence pour chacun de nous de vivre la réconciliation avec Dieu, urgence de mourir à soi-même pour renaître en Christ. A chaque fois que cela sera nécessaire, convertissons-nous !

Voici la seule véritable question : "Es-tu prêt à rencontrer ton Dieu ?" (Amos 4.12)

Et si tu ressens dans cette question, le besoin urgent de répondre : « Seigneur, c’est de toi, de toi seul que j’ai besoin », alors n’hésite pas ! Choisis la vie ! AMEN !