Les dames slovènes qui proposent cette année la liturgie du World Day of Prayer, ont choisi ce très beau passage de la parabole du festin avec cette parole en exergue : "Venez maintenant, tout est prêt." Essayons d’accueillir ce que veut nous dire cette histoire de festin et d’invités.
Un échange révélateur...
Un question-réponse s'établit entre le prédicateur et l'assemblée à propos des personnages de la parabole : qui ou que représentent-ils ?
Qui représente le Maître de la maison ? (interroge le pasteur) Dieu ! (réponse unanime de l'assemblée !)
Et le dîner ? C’est le Royaume de Dieu ! le paradis !
Qui sont les invités ? Nous !
Qui est le serviteur ? Jésus !
Qui sont ceux qui s’excusent parce qu’ils ont trop de choses importantes à faire ? Les païens (une personne) ! Nous ! (une autre).
Et les pauvres, les estropiés qui remplissent la salle du festin ? Ce sont ceux qui n'ont pas été reconnus comme vrais croyants pendant leur vie ! (dit une personne). "Nous encore" (propose une autre). Personne ne précise toutefois ce que regroupe le "Nous" proposé, l'Eglise ? L'humanité ?
De la surabondance
Dieu offre donc un grand dîner. Le festin représente quelque chose de spirituel. Dans le NT, le festin, c’est la même chose que la vie éternelle, le Royaume de Dieu ou le paradis. Ce sont des représentations issues des cultures de l'Antiquité pour parler de la vie de Dieu, la vie avec Dieu, la vie libérée ; une vie tellement forte et pleine qu’on ne peut pas en voir, ni en penser la fin. c'est une image de la surabondance.
Dieu invite donc tour à tour différents cercles d’humanité à venir au festin de la vie et pour cela il envoie son serviteur lancer des invitations aux uns et aux autres.
« Venez, tout est prêt. » Tel est le texte de l'invitation aux premiers auditeurs. Les invités n’ont rien à faire, rien à apporter ; il n’y a qu’à venir faire la fête. On ne va pas au ciel parce qu’on a beaucoup prié ou parce qu’on a beaucoup donné, beaucoup pratiqué ou qu’on connaît la Bible par cœur. Le ciel, c’est gratuit ! Dieu prépare, invite et accueille. Tout est prêt. Il n’y a plus qu’à venir.
"Pas cher, pas bon !"
Et c’est là que les problèmes commencent. Parce que ce qui est gratuit, ce qui est donné, éveille la suscpicion. On a beaucoup de mal à croire à la gratuité vraiment gratuite ! « Pas cher, pas bon ! » On préfère investir dans les choses plus tangibles, plus solides, plus durables comme le travail ou l’amour conjugal. Quoique aujourd'hui ces valeurs sont devenues très éphémères !
Les invités de la première heure déclinent et restent centrés sur leur essentiel : le travail et l'amour. Le lecteur ressent ici un malaise parce qu'il est sans doute lui-même bien occupé par son travail ou par la passion amoureuse.
Après l'invitation, le compagnonnage.
Dieu envoie une deuxième fois son serviteur. Mais cette fois, précise le récit, il ne va pas se contenter d’inviter, il va les emmener, les conduire au festin (v.21). Il va faire route avec eux pour qu’ils ne se perdent pas en chemin. Ceux qui sont invités et qui arrivent maintenant au festin sont des gens qui n’ont pas été gâtés par la vie, des migrants peut-être, comme ces femmes slovènes ou malgaches qui ont tout quitté pour trouver du travail ailleurs et s’occuper de leur famille. Il y a là des pauvres, des estropiés, des personnes oubliées de la vie mais que Dieu n’oublie pas ; ils sont accueillis comme des reines et des rois au festin de la vie et de l’amour !
Troisième visite, un seul message : Dieu nou accueille !
Dieu ne veut pas qu’une seule personne soit oubliée. Il envoie son serviteur une troisième fois ! Sa liste est longue, interminable. On pourrait voir dans ces trois visites du serviteur, un résumé de toute la Bible : d’abord le temps des prophètes, puis celle du Fils qui fait route avec les hommes, donnant sa vie et enfin la venue de l’Esprit saint qui suscite l’Église et envoie des témoins aux quatre coins du monde appeler tous les hommes au salut.
Cette parabole du festin nous parle de la grâce infinie et inlassable de Dieu pour toute l’humanité. Il ne cesse de l'appeler pour la conduire vers ce "lieu" de vie qu’on appelle le repas, le repos, le royaume ou le paradis.
Une ombre au tableau ?
La parabole finit sur une note troublante : « Force-les à entrer » (v.23). Après l’appel et l’accompagnement, voici maintenant la contrainte ?
Peut-on forcer à aimer ? Peut-on forcer à croire ? NON !! Certains théologiens dans l’histoire l’on pourtant cru, comme Saint-Augustin. Il pensait qu’il fallait convertir de force les païens ou les hérétiques. Cette interprétation aura des conséquences désastreuses dans l’Histoire comme les Croisades. Certains évangélistes pensent aujourd’hui obtenir des conversions en brandissant la menace de l’enfer. Non, je ne crois pas que Jésus nous appelle ici à user de violences physique ou psychologique pour convertir qui que ce soit. On ne fait pas entrer les gens au festin à grand coup de pieds dans le derrière !
Avez-vous vu qui sont les gens qui affluent dans la salle du festin ? Des éclopés, des pauvres, des exclus, des handicapés. Ceux qui sont à bout de force et qui n’arrivent plus à se déplacer tout seuls, les dépendants, les exclus de la vie. Ils ont besoin d’être portés par cette bonne nouvelle : il y a quelqu’un qui les aime !
Oser l'espérance !
Dans la parabole de la brebis perdue et retrouvée (chapitre suivant), le berger charge joyeusement la brebis retrouvée sur ses épaules et la conduit à la bergerie. Il n’y a pas de violence dans ce geste de charger sur les épaules, seulement de la joie, de la tendresse. Il y a aussi de l'urgence ! A vrai dire, je ne sais pas comment les athées ou les pratiquants d’autres religions (sans parler des méchants) vont arriver au ciel et s’asseoir à la table de Dieu, mais ce que je sais, c'est que Dieu le sait : Qui mieux que lui connaît le chemin des cœurs ? Il appelle tout le monde. Et si Dieu veut que tout les hommes soient sauvés, il ne me revient pas de poser des limites (1 Tim 2.4).
La main de Dieu
Que vont devenir ceux qui ont décliné la première invitation ? Vous vous souvenez, ceux qui sont trop pris par leur vie pour faire de la place à la parole de Dieu ?
Ceux-là ne font rien de mal. Ils travaillent, ils se marient. La loi de Dieu demande cela !
Ils ont encore le temps de réaliser que tout ce qu’ils sont en train de construire, leur carrière professionnelle, leur mariage, même si c’est important, n’est pas en mesure de combler toute leur existence, de donner la profondeur de sens qui manque à leur vie.
Seule la main du serviteur de Dieu, prenant leur main saura les ajouter à la liste des convives et les conduire vers le lieu de la joie et de la vie de Dieu.
Le temps de Dieu ajoute toujours quelques minutes au temps des hommes ! C’est le mystère de la grâce. AMEN !