L’Église, depuis son origine jusqu’à nos jours, a toujours engendré ses prophètes de malheur, plus ou moins talentueux, prédisant l’imminence de la fin. Toutes les époques ont été traversées par des fièvres apocalyptiques. On a aussi vu passer des prophètes de bonheur annonçant paix et prospérité quand la guerre et l’effondrement étaient aux portes. Entre ces deux polarités prophétiques irresponsables, l’évangile de Marc propose ici une autre lecture du temps eschatologique.
Le chapitre 13 : Apocalypse now !
Au premier coup d’œil, ce chapitre ressemble à la littérature de ce genre, connue par l'AT et l'époque inter-testamentaire. On peut même soupçonner Marc d’avoir utilisé un "tract apocalyptique" mis en circulation dans les Églises par un groupe d’illuminés judéo-chrétien suite à la destruction du temple de Jérusalem par les Romains en 70 et appelant les gens à tout quitter (v.14-15).
Marc prend soin d'insérer son apocalypse juste avant le récit de la passion. Jésus y prononce cette prédication de la fin des temps : « Quand vous verrez l’Abominable Dévastateur installé là où il ne faut pas, fuyez dans les montagnes. […] Ces jours-là seront des jours de détresse comme il n’y en a jamais eu depuis le commencement du monde… » (18-19) : Allusion probable à la profanation-destruction du temple par Titus l’empereur romain.
Mais Marc ne se contente pas de faire lire à Jésus le fameux « tract apocalyptique », il le transforme subtilement, juste assez pour lui donner une autre portée, le charger d’un autre message.
Plus qu’une révélation de secrets, on y trouve une mise en garde des disciples : « Ne croyez pas tout ce que les prophètes vous racontent. Soyez sur vos gardes, ne vous laissez pas abuser ; nul ne connaît le jour ni l’heure » (v.22,32). Cela ressemble à du prophétisme apocalyptique mais cela n’en est pas : au lieu de révéler, Jésus avertit et met l’accent sur l’urgence de la prédication ici, maintenant et partout.
À la fin du chapitre se trouve les deux paroles proposées aujourd’hui à la méditation des Églises : l’annonce la venue du Fils de l’homme et le signe du figuier…
La musique et les paroles
Jésus en annonçant la venue du Fils de l’homme qui vient sur les nuées « dans la plénitude de la puissance et dans la gloire », sur fond d'une pluie d'étoiles filantes, ne fait que reprendre le langage apocalyptique de son époque. Mais que dit vraiment ce langage ? Il est bien difficile de le savoir. Quelqu'un peut-il m'expliquer ce qu'est cette "plénitude de la puissance et cette gloire ?" Nous sommes habitués à la musique de l'évangile mais le sens des mots pose problème. À moins que pour Marc, la croix soit précisément cette démonstration de puissance et de gloire ! Cela nous amènerait alors à repenser complètement nos représentations de la fin.
En réalité, cette prophétie ne nous informe pas, elle nous avertit. Jésus met l’accent sur les enjeux du présent, sur la responsabilité des croyants, leur lucidité et leur bon sens, face aux défis de l’existence et sur leur aptitude à renoncer à tout pour le suivre sur le chemin de la croix.
La sagesse de la terre
L'image du figuier est simple comme un paysan qui regarde son arbre fruitier. Le printemps annonce la récolte. Des signes sont là et donnent de l’espoir. Même si de nombreux facteurs viendront menacer la récolte, l’espérance est là immédiate, réelle, porteuse de vie et de joie. La sagesse de la terre doit être imitée. Les chrétiens doivent apprendre à espérer à nouveau, à discerner au cœur de l’existence les signes de la présence de Dieu pour en devenir témoins.
Une ombre au tableau
Mais il y a une autre possibilité de compréhension. La seule histoire de figuier qu’on trouve dans l’évangile de Marc est celle du figuier stérile, maudit par Jésus ! Le figuier qui ne fait que des feuilles, comme un prophète qui ne ferait que des promesses et qui n’en tiendrait aucune. L’image cette fois sert d’avertissement : tenons-nous à l'écart de ces feux d’artifices prophétiques millénaristes qui n’impressionnent que les âmes crédules. La foi n’est pas la crédulité ! Finalement, le disciple de Jésus doit commencer par accepter qu’il ne sait rien ou si peu… Qu’il ne maîtrise rien et qu’il n’est pas plus voyant qu'un non-croyant.
Ressusciter l'espérance !
A risque d'un minimalisme excessif, je dirais que la seule différence qui distingue le chrétien, c’est ce sentiment, cette assurance d'être attaché à Jésus et de désirer le suivre sur le chemin du don gratuit et de la rencontre, sans jamais savoir où mène cette route.
Finalement mes sœurs, mes frères, notre seule différence, ce n’est pas la voyance, ni la connaissance, c’est l’espérance ! Qu’elle nous remplisse donc de joie, de paix et d'amour ! Qu’elle nous envoie dans le monde poser les signes annonciateurs de la présence du Dieu qui vient ! AMEN !