Le sermon du lendemain

Lundi 16 octobre 2017

« Ambassadeurs de l'inutile »

Philippiens 4.10-23

Philippiens 4.10-23

10 J'ai eu beaucoup de joie dans le Seigneur. En effet, finalement, vous avez pu montrer de nouveau votre intérêt pour moi. Cet intérêt, vous l'aviez, mais vous n'aviez pas eu l'occasion de le montrer. 11 Je ne dis pas cela parce que j'ai besoin de quelque chose ! Non, j'ai appris à me contenter de ce que j'ai. 12 Je sais vivre dans la pauvreté, je sais vivre dans la richesse. Toujours et partout, j'ai appris à être rassasié et à avoir faim, à vivre avec beaucoup et avec peu. 13 Je puis tout par celui qui me fortifie. 14 Pourtant, vous avez bien fait de prendre part à mes souffrances.

15 Vous le savez, vous, mes amis de Philippes : quand on commençait à annoncer la Bonne Nouvelle, j'ai quitté la Macédoine. Et à ce moment-là, aucune autre Église ne s'est occupée de mon salaire et de mes dépenses, vous avez été les seuls à m'aider. 16 Déjà, quand j'étais à Thessalonique, vous m'avez envoyé plusieurs fois ce qui me manquait. 17 Cela ne veut pas dire que je cherche des cadeaux ! Ce que je cherche, c'est que vous en retiriez un bénéfice. 18 J'ai tout ce qu'il faut, et même plus ! J'ai reçu ce qu'Épaphrodite m'a apporté de votre part, et maintenant, j'ai vraiment tout. Vos cadeaux sont comme une offrande agréable, un sacrifice que Dieu accepte et qui lui plaît.

19 Mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, dans la gloire, en Jésus-Christ. 20 Rendons gloire à Dieu notre Père pour toujours ! Amen !

21 Saluez dans le Christ Jésus tous ceux qui appartiennent à Dieu. Les frères et les sœurs qui sont avec moi vous saluent. 22 Tous les chrétiens vous saluent, surtout ceux qui travaillent au service de l'empereur.

23 Que le Seigneur Jésus-Christ vous bénisse !

Il faudra s'y résoudre les amis... Cette année, les SDL arriveront à coup de lance pierres ! Je vous passe les explications. Mais ce sera à chaque avec un immense plaisir.

Trésors de fin d’épître

Les derniers chapitres des lettres de Paul aux Eglises sont souvent consacrés à des questions pratiques ou personnelles, à des exhortations à vivre en chrétiens ; des salutations, des remerciements et des bénédictions.

On serait tenté de passer un peu vite sur ces fins d’épîtres considérant que les contenus doctrinaux qui forment le corps de la lettre, comme la justification par la foi dans l’épître aux Romains, le rôle du Saint-Esprit dans Galates, l’Eglise, chez les Corinthiens, la providence divine chez les Éphésiens, la joie chez les Philippiens, etc., sont les questions principales.

Ce serait une erreur. Les fins d’épîtres traduisent de manière concrète ce que l’enseignement théorique a développé plus haut.

C’est exactement ce qui se passe ici. Paul a parlé dans les premiers chapitres de l’importance de vivre joyeusement la communion fraternelle EN Christ ! Ce Christ qui s’abandonne à la vocation que Dieu lui adresse, faisant l’expérience du dépouillement total sur la croix (Phil 2.6-11).

Pour conclure, il appelle ses amis de Philippe à vivre la joie fraternelle, la joie à l’épreuve des réalités. Et la réalité la plus éprouvante de toute pour la joie : c’est l’argent !

"Donnez, donnez, do-o-nnez !"

Certains membres de l’Eglise de Philippe se sont saignés pour permettre à l’apôtre de vivre dignement. Paul écrit ces mots en prison. Il est reconnaissant pour ces dons philippiens apportés par son ami Epaphrodite. Mais il saisit l'occasion de la reconnaissance, pour approfondir le sens théologique de l’offrande.

Paul ne dit pas comme l’Ecclésiaste : « Jette ton pain à la surface des eaux et avec le temps, tu le retrouveras » (Ecc 11.1), ou : « Donnez et vous recevrez ! », comme certains prédicateurs évangéliques sud-américains grands abuseurs de la crédulité et de la misère de leurs fidèles.

Paul dit : « Mon Dieu comblera tous vos besoins selon sa richesse, dans la gloire, en Jésus-Christ. » La richesse de Dieu, voilà ce qui est promis. Quelle est-elle ? Sont-ce des millions à la banque ? Est-ce la réussite sociale ? Pas nécessairement. Toute la richesse de Dieu nous est données dans la personne du Christ.

De quoi sommes-nous riches ?

La richesse selon l’Evangile, ce n’est pas quelque chose, c’est Quelqu’un. Nous n’avons besoin de rien d’autre que de Jésus, le Christ. C’est lui l’offrande de Dieu aux hommes. En lui nous avons tout ! Dans le besoin comme dans l’abondance, la présence du Christ donne sens à notre vie, elle nous comble de cette richesse spéciale dont Dieu veut que nous soyons riches. Dans la présence du Christ, le riche n’est pas angoissé ou jaloux de sa richesse, il devient reconnaissant, libre et généreux. Le pauvre n’est plus amer ou frustré de sa pauvreté ; il ne louche pas vers les biens du riche, mais il se confie en Dieu. Il est reconnaissant du peu qu’il a et se réjouit de la présence du Christ à ses côtés ; il vit de la grâce.

Par la foi, nous recevons non seulement un cœur nouveau mais aussi des mains pour partager, pour apprendre le don joyeux, le don gratuit, accueillir ceux qui n’ont rien, et partager le peu ou le beaucoup que nous avons.

Comme les hébreux ont reçu la manne dans le désert, de la main même de Dieu, ainsi est la richesse de Dieu pour le monde aujourd’hui : "Le pain du ciel passe maintenant par nos mains, il ne tombe plus la nuit", écrivait joliment le pasteur Maillot. Mais quoique nous fassions, quelle que soit l’importance ou l'indigence de notre offrande, Paul nous rappelle quelle trouve sa source en Dieu seul.

Dans le dernier numéro du Levant, journal de l’Action Chrétienne en Orient, il m'a été demandé de témoigner comme pasteur au Liban. Je vous laisse avec ça...

"Le Levant", septembre 2017

« A bien y réfléchir, nous, Église protestante française du Liban, sommes là pour rien ni pour personne. Disons pour peu de choses et objectivement pour très peu de gens. C’est au point que, considérant la pauvreté sociale et numérique de ma paroisse, une personne, qui voulait sans doute me flatter, me demandait comment je pouvais en tant que pasteur me satisfaire d’une Église comme celle-là, une Eglise composée de migrants économiques malgaches et africains et de quelques franco-libanais.

Cette personne posait la question de la valeur. Que valons-nous ? Combien sommes-nous ? La question du prix est centrale pour beaucoup de gens !

Dans un monde où tout est quantifié, évalué, justifié, la petite Église protestante française de Beyrouth, dans son histoire et sa réalité même, porte un témoignage unique en son genre.

Premièrement, nous ne sommes pas le fruit des grandes entreprises missionnaires du 19e siècle.

Nous sommes là à cause d’un accident de l’histoire. En 1925, les protestants français recevaient un héritage improbable. Ils  moissonnaient là  où  ils n’avaient ni semé, ni même travaillé. La base d’un rapport intéressant à la gratuité était posée et elle ne doit jamais être oubliée.

Au moment où le protestantisme européen célèbre les 500 ans de « sa » Réforme, ce rapport à l’inutile, à l’improbable, à l’immérité doit être revisité et approfondi.  La durée, la richesse historique, culturelle et théologique, l’apport incontestable dans le progrès intellectuel, social et économique du monde moderne confèrent-ils aux protestants une  quelconque légitimité,  une  valeur objective, un mérite particulier ? Je ne l’espère pas, car alors notre Réforme aurait échoué.

À  Beyrouth,  nous  n’avons  rien  à  défendre,  ni  à protéger. Nous sommes étrangers, sans influence sans pouvoir. Tout ce que nous avons nous est donné.

Nous n’avons aucun intérêt politique ou théologique à défendre dans les Assemblées générales du protestantisme libanais, en  langue  arabe  auxquelles  nous participons souvent sans  comprendre  un  mot !  Même notre situation financière est prise en  charge à 99% !  Nous sommes les ambassadeurs de l’inutile !

Cette prise de conscience, au lieu de me décourager, me fortifie. Cette posture d’apparence inconfortable, fragile, proche de la non-existence, offre une liberté immense. J’ai pu le constater à plusieurs occasions, notre présence est appréciée parce que porteuse d’une qualité rare, la liberté.  Si nous ne servons à rien, nous sommes cependant libres  de  servir  des causes qui nous paraissent justes et qui n’intéressent  pas  grand  monde  au  Liban,  comme  celle  de l’exploitation des femmes employées de maison, ou encore la transformation d’un cimetière en lieu de rencontre et de célébration !

Vivre dans la conscience de sa propre inutilité, n’est-ce pas cela expérimenter la grâce de Dieu ? (Pierre Lacoste)