Le sermon du lendemain

Lundi 13 mars 2017

Métamorphoses

Matthieu 16.21-23 et 17.1-9

Matthieu 16.21-23 

21 A partir de ce moment, Jésus Christ commença à montrer à ses disciples qu’il lui fallait s’en aller à Jérusalem, souffrir beaucoup de la part des anciens, des grands prêtres et des scribes, être mis à mort et, le troisième jour, ressusciter. 22 Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander, en disant : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera pas ! » 23 Mais lui, se retournant, dit à Pierre : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan ! Tu es pour moi occasion de chute, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »sous le soleil!”

Matthieu 17.1-9

1 Six jours après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean son frère, et les emmène à l’écart sur une haute montagne. 2 Il fut transfiguré devant eux : son visage resplendit comme le soleil, ses vêtements devinrent blancs comme la lumière. 3 Et voici que leur apparurent Moïse et Elie qui s’entretenaient avec lui. 4 Intervenant, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ; si tu le veux, je vais dresser ici trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. » 5 Comme il parlait encore, voici qu’une nuée lumineuse les recouvrit. Et voici que, de la nuée, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, celui qu’il m’a plu de choisir. Ecoutez-le ! »

6 En entendant cela, les disciples tombèrent la face contre terre, saisis d’une grande crainte. 7 Jésus s’approcha, il les toucha et dit : « Relevez-vous ! soyez sans crainte ! » 8 Levant les yeux, ils ne virent plus que Jésus, lui seul. 9 Comme ils descendaient de la montagne, Jésus leur donna cet ordre : « Ne dites mot à personne de ce qui s’est fait voir de vous, jusqu’à ce que le Fils de l’homme soit ressuscité des morts. »

C'eût été tellement fort... Une extase, une vision de Dieu face à face. La lumière, la voix. Vivre l'expérience de Pierre, Jacques et Jean, pour en finir une bonne fois avec le doute, enrayer à tout jamais le mouvement du yoyo spirituel et rester tout en haut. J’aurais tant aimé assister comme eux au spectacle de la transfiguration.

Pierre, Jacques et Jean, témoins ou intrus ?

Le mot qui a été traduit en français par « transfiguration », se dit en grec "métamorphose." Se métamorphoser, c’est changer complètement. Je remarque en même temps que Jésus se métamorphose devant eux, pas tout seul dans son coin, comme un papillon quitterait sa chrysalide au printemps. Pierre, Jacques et Jean ne sont pas les spectateurs impudiques d'un événement hors du temps et de l'espace. C'est devant eux, pour eux que Jésus se métamorphose ? C'est pour leurs yeux, dans leurs yeux que se produit l'ineffable vision d’un Christ  éclatant, un Christ divin, vision qui les pousse à quitter le statut de sympathisants, suiveurs enthousiastes ou hésitants, pour devenir des hommes de foi ? C'est donc pour eux et non "en soi" que retentit la voix : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le !».

Un fort parfum biblique

La montagne dans la Bible, c’est le lieu de la rencontre avec Dieu. Le lieu où les fondements de l'histoire se posent.

Moïse monte au Sinaï pour recevoir les tables de la Loi ;  Elie sur le Mont Horeb, pour y recevoir la visite de Dieu. Les deux monts sont un même lieu symbolisant la rencontre avec Dieu. Et voilà nos deux prophètes montagnards en grande discussion avec Jésus. On peut symboliquement comprendre que Jésus entre en dialogue avec l’Ancien Testament - Moïse représentant le Pentateuque et Elie, les écrits des prophètes.

Christ seul

Le récit matthéen de la transfiguration est donné à la jeune Eglise de Palestine, encore un peu juive, pour dire que les paroles de Jésus sont aussi importantes que celles des plus grands de la Bible. Mais quand Moïse et Elie se retirent, c'est pour dire qu’il ne reste plus que le Christ. Lui seul exerce désormais sur le croyant l'autorité. Il ne s’agit pas de jeter à la poubelle l’AT, mais de le comprendre à la seule lumière du Christ. En ce qui me concerne, ce nouvel angle de lecture de l’AT est libérateur. Tout ce que je ne comprends pas, ce qui me choque, l’image du Dieu vengeur, le Dieu exterminateur, s’efface dans la lumière du visage resplendissant de Jésus ! Moïse et Elie s’en vont et avec eux mes questions sans réponses, mes révoltes. Il ne reste plus que Jésus qui m'explique les Écritures anciennes et nouvelles.

Le nouveau Moïse

Une autre ressemblance explique la présence de Moïse. Jésus est transfiguré sur la montagne comme Moïse le fut sur le Mont Sinaï. Quand Moïse est redescendu de la montagne, avec les tables de la Loi sous le bras, la peau de son visage rayonnait (Exode 34). Jésus, le visage éclatant de lumière, est donc le nouveau Moïse. Toutefois, il ne reçoit ni loi, ni commandements nouveaux, seule sa présence illumine le regard des disciples. La nouvelle loi, la nouvelle doctrine, la nouvelle religion, c’est lui, lui seul, sa personne même qui est parole et vie.

Le nouveau buisson

Moïse ne représente pas seulement la Loi, il est considéré comme le premier des prophètes de la Bible. Souvenez-vous, à Horeb, il découvre un jour un phénomène étonnant, un buisson qui flambe mais qui ne se consume pas (Exode 3). Là, sur cette montagne, Dieu dit son nom à Moïse, un nom à la fois proche et insaisissable : « Je suis celui qui suis - est-était-sera ». Pour la communauté matthéenne à la fois juive et chrétienne, l'association est évidente : Jésus brillant comme un soleil est le nouveau buisson ardent. C’est par lui, en lui seul que Dieu veut faire connaître son nom aux hommes : Dieu est AMOUR.

L'amitié de Dieu : antidote au suicide

Et Elie que vient-il ajouter ? Il est la figure des prophètes de la Bible. Lui aussi jadis s’était réfugié sur le mont Horeb, complètement déprimé, en pleine crise de foi, au bord du suicide. Dieu s’était approché de lui dans le murmure d’une parole d’amitié. En Jésus, le vieux code religieux de l'obéissance ne marche plus, nous sommes invités à une relation d’amour et de gratuité.

Le passé nous rattrape toujours

Pour les disciples, il y a donc une métamorphose à vivre. Pour Pierre en particulier… Pourquoi Matthieu situe-t-il le moment de la transfiguration, précisant « Six jours après » ?

Parce qu’il s’est passé quelque chose de très important 6 jours avant ! Au chapitre précédent, Pierre avait confessé Jésus comme « le Christ, le Fils du Dieu vivant » ; mais il s’était égaré presque aussitôt, voulant empêcher Jésus d'aller mourir à Jérusalem  (16.21). Le triste « Arrière de moi Satan !» avait alors retentit, changeant le pauvre Pierre en statue de sel ! Le tout n'est pas de confesser des mots ; il faut comprendre ce qu'ils signifient.

La transfiguration « 6 jours après » vient éclairer Pierre d’une lumière nouvelle, lui révéler l’identité profonde de ce Christ-Fils de Dieu qu’il croit connaître et posséder : il vient pour mourir, donner sa vie et jeter une lumière décisive sur cette vie, son sens, sa destinée.

Ce récit de la transfiguration du Christ en appelle à notre transfiguration, notre conversion. Et ce n’est pas une chose évidente à vivre, parce que, comme Pierre, nous avons tendance à enfermer le Christ, à lui bâtir des tentes et circonscrire ainsi sa souveraineté. Nous aimons le figer dans l’image qui nous convient. Comme dit un grand théologien libanais Grégoire Haddad: il faut libérer le Christ des chrétiens et de l’Eglise pour qu’il puisse redevenir pour notre monde, parole de vie, salut et liberté !

Laissons-nous transfigurer par Jésus seul, laissons-nous convertir à ce Christ-là, Fils et parole du Dieu vivant, notre frère. Amen !

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Ces pas dans le sable sont ceux de la Révélation véhiculée au travers des âges par la bouche des prophètes ; proclamée par le Christ sur le lieu désert de nos vies. Lumière née de la Lumière jetée sur la nuit de notre passé. Lumière sur notre présent ! Lumière qui transfigure notre avenir !