Le sermon du lendemain

Lundi 9 janvier 2017

Épître de Paul aux Éphésiens 3.2-6 (NBS)

1 A cause de cela, moi, Paul, le prisonnier de Jésus-Christ pour vous, les non-Juifs... 2 si du moins vous avez entendu parler de l'intendance (économia) de la grâce de Dieu qui m'a été accordée pour vous. 3 C'est par révélation que le mystère a été porté à ma connaissance, comme je viens de l'écrire en quelques mots. 4 En lisant cela, vous pouvez comprendre l'intelligence que j'ai du mystère du Christ. 5 Ce mystère n'avait pas été porté à la connaissance des fils des hommes dans les autres générations comme il a été révélé maintenant par l'Esprit à ses saints apôtres et prophètes : 6 à savoir que les non-Juifs ont un même héritage, sont un même corps et participent à la même promesse, en Jésus-Christ, par la bonne nouvelle.

La lettre aux Éphésiens est proposée aujourd’hui à notre méditation. Dès la première lecture, je l’ai reçue comme une carte de vœux de bonne année, celle du Seigneur en personne. Ce début d'année nous transforme en machines à formuler des vœux : santé, prospérité et  réussite !  Dans la carte de vœux du Seigneur, je ne trouve rien de tout cela. Elle se présente avant tout comme un mystère à déchiffrer...

Derrière le voile

Paul déclare avoir eu connaissance d’un « mystère ». Son épître n'a pas d'autre intention que de l'éclaircir. Il n’est autre que le don de Jésus-Christ. On ne s’y attendait pas. On s’attendait à un salut évident, renversant. Dieu qui entre en action sur la terre réglant une bonne fois pour toutes les problèmes des hommes, la guerre, la pauvreté, la maladie, l'échec, l’injustice. Dieu nous apportant santé, prospérité et réussite. Un Dieu sans mystère, un Dieu prévisible. Pour les grandes religions, Dieu est toujours grand, tout-puissant, il agit de façon indiscutable. Le Dieu des religions ne s’interprète pas, il s’impose dans l’évidence de sa création ou de sa Loi et réclame l’obéissance.

Mais pour Paul, le Dieu du salut est un mystère parce qu’il vient incognito, le visage masqué, dans la personne et la parole d’un homme dans lequel il est impossible de reconnaître immédiatement la transcendance, la toute-puissance. Dieu, en Jésus le Christ suit le chemin inverse des religions, il se cache, il vient sur la pointe des pieds à la rencontre des hommes ; il se glisse dans notre humanité dévoilant Dieu dans la faiblesse. Il meurt par amour pour une humanité perdue. Il est là le mystère du salut.

Maintenant que le voile est levé sur le mystère, voyons d’un peu plus près ce que nous réserve cette nouvelle année, selon le Seigneur.

La grâce : superstition ou économie ?

Le premier vœu souhaité est celui de la grâce ! C’est le mot de prédilection des protestants. La grâce, en veux-tu en voilà, déborde de toutes nos liturgies, de nos prédications, comme un mot magique, qui dit tout et n'explique rien, comme une superstition protestante ! La grâce, tout le monde en veut, mais que nous souhaite-t-elle exactement sous la plume de Paul ?

La grâce dont parle Paul est étincelante. Dans la nouveauté radicale de l’Evangile, elle dit que tous les hommes sont appelés et non seulement certains. La grâce signifie que les vieux murs de séparation des mondes en catégories d’hommes s’est effondré : non seulement le mur objectif des différences religieuses qui séparaient entre juifs et non juifs, purs et impurs, peuples païens et peuple élu mais encore le mur des différences sociales ou raciales qui séparaient entre hommes et femmes, esclaves et homme libre, noirs et blancs ; non seulement ce mur objectif est tombé, mais avec lui le mur subjectif, plus dur encore, des haines raciales, des peurs xénophobes, des instincts de répulsion. La croix, qui représente l’instant tragique de la séparation du Christ avec Dieu, le point crucial de la désolation humaine et divine, la croix devient le signe paradoxal de ralliement de tous les hommes sous une protection commune et universelle que Paul appelle la grâce.

Economie !

Paul précise que cette grâce n’est pas qu’un événement de l’histoire mais une économie. Le mot, pourtant très branché aujourd'hui, n’apparaît pas dans nos versions mais il est bien dans le texte original. La grâce n’est pas seulement une effusion, une expérience passagère, une émotion. Elle n’est pas non plus un pouvoir qui permettrait à certains d’être plus bénis que d’autres. La grâce n’est pas une superstition, ni un levier de prospérité pour les chrétiens. De grâce, sœurs et frères, abandonnons ces croyances païennes ! La grâce, c’est l’union, l’incorporation de tous les hommes à Jésus-Christ, sans mérite à faire valoir, sans discrimination d'aucune sorte. Cette grâce faite à Paul est devenue une grâce universelle. Il n’y a plus qu’à nous ouvrir à la rencontre de celui qui est là, Jésus le Christ, sauveur de tous les hommes. 

La grâce comme une promesse

Ce qui nous mène au deuxième vœux du Seigneur Jésus-Christ pour nous : la promesse. Si la grâce est une économie, elle n’est cependant pas une économie totalitaire qui s’imposerait aux hommes sans que ceux-ci n’aient leur mot à dire. La grâce n’enrôle pas de force. Elle est une promesse à saisir ; le « oui » de Dieu auquel répond mystérieusement le « oui » de l’homme. Si la grâce est économique, elle n’est pas automatique. Elle est un itinéraire ponctué de rendez-vous, un parcours de vie sur lequel la possibilité d’une rencontre existe mais n’est jamais garantie.

Il n’est pas certain de voir triompher la grâce de Dieu dans ma vie au moment où l’intolérant, le raciste, l’orgueilleux, le lâche, le violent, l’égoïste qui vit en moi se trouve confronté à Jésus. D’autant que ce n’est jamais Jésus que nous voyons ! C'est l'étranger inquiétant, c'est le voisin insupportable, le collègue de bureau jaloux, le frère ou la sœur que je ne comprend plus, que je n'aime plus, mais qui porte, sans que nous le sachions, le visage et l’appel du Seigneur Jésus ! La grâce est une promesse, pas un titre de propriété de l’Eglise ! Quel sera son prochain rendez-vous pour nous cette année ?

Recevez sœur et frères de la part du Seigneur, les vœux les meilleurs : la promesse de la grâce ; celle d’une rencontre avec le Christ, bouleversante, inattendue et fondatrice d’une existence nouvelle. AMEN !

Ces pas dans le sable sont ces voeux que nous souhaitons sans y penser, sans même les souhaiter vraiment. Ils se perdent dans le désert de la superficialité. Une promesse de grâce nous est faite de la part du Seigneur Jésus-Christ : la saisirons-nous ?