Les institutions protestantes pendant le mandat Français (1920-1940)
La période courant jusqu’à la deuxième guerre mondiale (1925-1940) va voir les deux associations, tant cultuelle que culturelles (l’Eglise d’une part, le Collège et le dispensaire d’autre part), prendre de l’ampleur, accompagnant le développement de la présence politique et militaire française au Levant.
Le Collège Protestant Français (CPF) est sans doute la plus connue des réalisations du protestantisme français au Levant de par sa contribution à la formation des élites du pays et sa pérennité jusqu’à ce jour.
Sous l’impulsion de Louise Wegmann, il va vite prendre la physionomie qu’il conservera jusqu’en 1956, pour atteindre un effectif de plus de 400 élèves, limité non par manque de candidature mais par manque de place. La composition des effectifs a évolué au fil des ans. La composante juive notamment, a sensiblement diminué au profit des populations musulmanes, essentiellement sunnites à cette époque. Parmi les chrétiens, outre les grecs-orthodoxes, nous trouvons des catholiques latins qui font confiance au CPF, les élèves protestants constituant encre une forte minorité (13,3% en 1938).
Le collège, se gardant de tout prosélytisme, reste un collège protestant avec nombre d’enseignants issus de cette confession.

Chaque matin, la journée de travail commence par un « culte », en présence de tous les élèves, avec une allocution d’ordre morale de la directrice, la récitation du Notre Père (prière accessible à toutes les composantes religieuses du collège) et un cantique d’envoi.
L’action sanitaire et sociale
Les dispensaires
Celui de Beyrouth est vite opérationnel. Dès 1930, il reçoit en moyenne deux cent malades par jour et étend son activité au milieu scolaire. La directrice Laure Sureau est fière de pouvoir annoncer au comité à Paris que « nous commençons à pénétrer les milieux musulmans, où les Jésuites n’ont pas accès et où nous sommes très appréciés. »

Au début de l’année 1928 commence l’implantation d’un réseau de dispensaires dans le djebel Druze au sud de Damas, jouxtant la Transjordanie.
Le Gouverneur de cet Etat autonome (à l’image de l’Etat des Alaouites) est le colonel Clément Grancourt. Officier protestant et suite aux révoltes Druzes de 1922 et 1925, il veut apporter à ses administrés un meilleur sort. Aussi à son initiative, « l’Association des Œuvres » accepte volontiers d’ouvrir un dispensaire à Souéïda, la capitale du pays druze. Sous l’impulsion de Laure Sureau, désormais « Directrice générale des œuvres protestantes d’assistance médicale en Syrie », le dispensaire ouvre ses portes en avril 1928 avec « déjà des consultations très suivies et un accueil très sympathique de la population ».
Cette ouverture a pu donner à certains l’idée qu’une action d’évangélisation était possible auprès des Druzes dont « la religion, mélange d’éléments musulmans et bouddhistes (sic) est sur le déclin et a de moins en moins d’influence sur les hommes.»
Il se constitue à Khraba une communauté de 150 paroissiens relevant de l’Eglise syrienne protestante, dépourvue de pasteur. Cependant, malgré l’intérêt d’entreprendre « une œuvre spirituelle », le comité parisien estime qu’il n’a pas les moyens d’y donner suite. C’est cette incapacité des Français à assurer un accompagnement spirituel conséquent qui poussera les missionnaires américains à venir s’y implanter.

D’autres implantations suivront à Chebha puis à Salkhad, avec l’ouverture d’une école et d’un orphelinat. Ce développement ne se fait pas sans difficultés, notamment dans le recrutement d’infirmières dans un environnement parfois difficile, ainsi qu’en témoigne le décès de l’une d’elles, Rachel Guérin, à Soueïda, et dont le dispensaire portera son nom.

Ces difficultés ne dissuaderont pas l’Association des Œuvres de poursuivre son extension en ouvrant, début 1931, un dispensaire à Damas, s’installant avec le concours de l’Assistance publique syrienne dans « une belle maison arabe ».
Cependant, lorsqu’il a été question d’envoyer une infirmière au tout nouvel hôpital de Deïr-ez-Zohr, là encore le comité parisien préfère renoncer, laissant la place à une autre association protestante française, l’Action Chrétienne en Orient (ACO) le soin d’intervenir en Syrie intérieure.
Le départ en 1932 du désormais Général Clément Grancourt aurait pu ébranler la position des associations protestantes face à un remplaçant moins coopératif. Après quelques explications, il est ressorti que le « Gouverneur du djebel Druze serait très reconnaissant à notre Association de continuer à lui fournir des infirmières » ; le culte protestant a pu maintenir ses célébrations dans « la salle du Tribunal (Saïda) […] qui sert également aux catholiques ».
L’éducation populaire
La mission Eccard, relayée localement par Philippe Bianquis, avait proposé la création d’une UCJG (Union Chrétienne de Jeunes Gens), mouvement de jeunesse protestant inspiré des YMCA anglo-saxons.
Après avoir envisagé la construction d’un bâtiment sur le terrain des diaconesses, à côté du collège et du dispensaire, il a été jugé plus utile d’ouvrir un foyer de jeunes, Place des Canons (actuelle Place des Martyrs). Assisté d’un comité local animé par l’incontournable Philippe Bianquis. Le jeune pasteur Jousselin sera secondé par des adjoints libanais dont Ibrahim Chemayel qui deviendra lui-même pasteur par la suite.
Le foyer a pour projet d’offrir aux jeunes beyrouthins un lieu « propre et sain » de rencontre où chacun aura la possibilité de se former (cours du soir), d’assister à des cercles d’études, dont certaines religieuses. Le foyer touchera jusqu’à 250 jeunes. A ce projet s’ajoute un Club populaire créé pour venir en aide aux jeunes mendiants et aux délinquants sans famille, développant des activités de scoutisme ainsi que des enseignements sur « la législation infantile, la prostitution et le commerce du haschich ».
Les paroisses protestantes françaises de Beyrouth et de Damas

Aumônier Militaire au Liban et pasteur de l’EPFB (1921-1940)
Nous avons vu dans notre précédent épisode que la communauté protestante au Liban a pu se reconstituer sous la houlette du pasteur Brès, aumônier de l’armée. De fait, le foyer du pasteur Maurice Brès et de sa femme Claire devient vite le point de ralliement des protestants français résidents de Beyrouth ou seulement de passage.
La « maison du pasteur » (l’ancien presbytère allemand – aujourd’hui logement des professeurs de l’Ecole Supérieure de Affaires) accueillera régulièrement des réunions pouvant rassembler une trentaine de personnes et notamment la célébration de Noël.
La maison, située au sein de l’Hôpital Saint-Jean (devenu hôpital militaire), ouvrir son sous-sol comme tout premier lieu de culte. Mais dès la mise à disposition de la Maison des Diaconesses, le culte sera célébré dans la chapelle.

Jusqu’en 1946, sauf un bref intermède pendant la guerre, le pasteur Brès officiera en tant qu’aumônier militaire et pasteur civil de la paroisse de Beyrouth.
Cette communauté reste de taille modeste ; de l’ordre de soixante-cinq individus, tous âges et origines confondus. Lors de son passage, Jean Bianquis note que « la plupart sont des professeurs, instituteurs, femmes et enfants d’officiers, de fonctionnaires, simples soldats et constituent une population flottante ». Les cultes réuniront entre une quinzaine et une quarantaine de paroissiens.
A l’occasion de l’assemblée générale annuelle pour l’année 1931, le pasteur Brès relève que l’école du dimanche réunit 23 enfants, et qu’il a procédé à « 1 mariage, 2 baptêmes et 1 inhumation ».
Pour ce qui est de Damas où le nombre de protestants est devenu significatif, il est décidé l’ouverture d’une paroisse à partir de 1930. Le premier pasteur en est André Parrot, également archéologue et qui s’illustrera par la suite avec les fouilles du site de Mari. Après son départ en 1934, c’est le pasteur Jousselin qui assurera l’intérim jusqu’à l’arrivée du pasteur Couderc envoyé par l’ACO.

En 1940, la paroisse de Damas réunit 97 personnes (dont 51 adultes), auxquelles s’ajoutent les militaires français, comptabilisés à part (163 malgaches, 17 français et 28 légionnaires), avec une présence aux cultes de 25 à 40 personnes.
Malgré ces chiffres encourageant, la communauté de Damas laissera une trace aussi étonnante qu’éphémère dans l’histoire du protestantisme français au Levant. Elle disparaîtra au bout d’une quinzaine d’années, en mai 1940, au moment de l’insurrection nationaliste.
A la veille des grands bouleversements provoqués par la seconde guerre mondiale, le bilan de l’action du protestantisme français au levant est plutôt positif. Mais si les actions sociales et sanitaires ont été appréciées surtout des autochtones, l’impact religieux est essentiellement circonscrit aux Français et intimement lié à la présence de l’autorité mandataire. Dans ce contexte les réalisations modestes mais bien réelles du protestantisme français avaient tout à craindre de l’explosion des nationalismes qu’entraînera la seconde guerre mondiale.
Suite au prochain épisode…
Georges Krebs, administrateur PPFL
Bonjour, je suis à la fois ravi et ému de tomber sur cette page de votre site. Rachel GUERIN dont on voit une photo dans l’article ci dessus ” Souéïda, Rachel Guérin et ses malades” était une de mes grand-tantes Née à Congénies (Gard) le 08 juillet 1883 et partie comme infirmière au dispensaire de Souéïda je sais depuis toujours qu’elle y est décédée et que son corps n’a pas été rapatrié.Nous ne savons et n’avons presque rien d’elle hormis quelques photos et lettres que ma grand mère paternelle a réussi à conserver le reste ayant été perdu et/ou dispersé, Rachel n’ayant pas eu de descendance
Je me demande s’il serait possible d’obtenir des informations,des documents et autres photos la concernant, en particulier sur les circonstances de son décès , la date, le lieu d’inhumation, si sa tombe existe encore etc..
Merci pour l’attention et de l’aide qui pourrait nous être apportée
Eric Laval
22,av de la malle poste
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